Les poils ! Sujet qui peut sembler étrange mais en réalité la question des poils devrait être régulièrement abordée puisqu’il s’agit d’une problématique esthétique, sociale, politique mais aussi économique pour les noir-e-s adeptes de l’épilation en Occident. Dans le cas ici, je vais aborder de la pilosité sur les corps dit féminins .
Dans le monde occidentalo-blanc, plus précisément celui où nous nous trouvons en France, les poils ne sont pas vus comme beaux. Il faut nécessairement cacher les poils, les enlever, ceux du dos, ceux des jambes, des bras, des aisselles, du menton ou encore du ventre. Partout, partout il faut les arracher, les enlever. Ils sont repoussants, impossible à assimiler à nos corps. Les corps féminins noires sont soumis à de nombreuses injonctions esthétiques qui ne peuvent être conformes à la réalité de nos corps. Pour tenter de se conformer à cet esthétisme blanc, on a le recours constant à différentes formes d’épilation. Epilation qui peut d’ailleurs aggraver la qualité de votre peau. Par exemple, cela entraîne l’apparition de poils incarnés, de tâches foncées ou encore de blessures dû à l’arrachage de poils et/ou peau. Or, les poils dans différents coins d’Afrique noire (ainsi qu’ailleurs dans le monde) sont perçus comme normal voire comme un signe de beauté. Il est ainsi très commun et normal de croiser des femmes très poilues dans des quartiers de Douala par exemple.
Un exemple ici avec cet article en anglais d’une femme nigériane poilue qui vit très bien sa pilosité.

Poils qui sont le fait de nos corps et NON le fait des produits éclaircissant ou que sais-je. Parce que oui, IL N’Y A PAS QUE LES HOMMES CIS QUI SONT POILUS.
Des articles sur la perception du poil sur les corps féminins : ici et ici.
Les poils sont historiquement vus comme beaux dans la plupart des communautés d’Afrique noire. Cependant, l’on a pas du tout intégrer cette vision des poils mais plutôt celui de la beauté blanche occidentale oppressive qui nous inculque que la beauté de nos corps se traduit par un corps imberbe. On peut le remarquer régulièrement dans la représentation des corps féminins par les artistes/peintres noires : où se trouve les poils ? Les représentations artistiques, photographiques ne correspondent en rien à la réalité de nos corps. Où sont nos jambes poilues ? Nos aisselles poilues ? Nos seins poilus ? Nos ventres poilus ? Nos sexes poilus ? De même que nos ancêtres, lorsque les reines sont représentées, étaient-elles poilues ? Les femmes noires de la période pré-coloniale et/ou pré-esclavage ne sont jamais représentées artistiquement avec des poils.
Tu connais ce genre d’images ou de photos que les kamites prophète du kémitisme de Kemet, que les hommes et femmes noir-e-s cis et les soldates noires du patriarcat bénissent matin, midi, soir. Ce genre d’images, de peintures, de photos fort de colorisme représentants des femmes noires imberbes en général jeunes aux traits eurocentriques qui t’énervent. Toi même tu me sais. On se sait.
On peut d’ailleurs plus loin que les poils et questionner où sont nos cicatrices ? Nos alopécies ? Nos ablations ? Nos vergetures ? Nos vrais kilos ? Nos tâches ? Nos difformités physiques ? Nos boutons? … On est parfait-e-s avec nos imperfections, si vous appréciez tant les corps noirs féminins, montrez que vous nous appréciez pour ce que l’on est vraiment.
Joue la comme Mo’Nique, joue la comme Amber Amour!
Malheureusement la fausse perception que l’on a de nos corps, nous la reproduisons et nous la normalisons ce qui est très dangereux. Puisque s’ensuit des regards diaboliques (vreuument), des commentaires désobligeants, vexants voire des insultes à l’égard des personnes aux corps féminins assumant leurs poils. Voyez-vous même le paradoxe et la bêtise.
#dixitlespronaturelpronappymaisquinabordentenaucuncaslaquestiondelapilositédenoscorps
Bêtise que l’on peut chercher loin sur nos corps féminins, vous ne vous posez pas souvent la question pourquoi vous vous épilez ? Ou pour qui est-ce que vous vous épilez ? Auxquelles on a souvent des réponses toute faite : « parce que c’est beau », « parce que toutes les femmes le font », « parce que les poils ça ne sert à rien », « c’est dégueulasse ce n’est pas propre ». Des réponses toutes faites et vide de sens. Puisque comme on l’a vu tout d’abord les poils c’est aussi esthétique et beau que le sans poil. Ensuite ce n’est pas parce que vous avez l’impression que tout le monde autour de vous fait quelque chose que vous devez forcément le faire. N’ayez pas peur d’oser suivre vos propres normes esthétiques, teintez vos sourcils, vos poils des aisselles, des jambes ! Puis non, les poils ce n’est pas du tout sur nos corps pour rien. Les poils nous servent vitalement pour notre corps, ils ne sont pas là pour rien. En effet, ils nous servent d’abord de barrière contre les différentes températures (chaud, froid), contre les ultraviolets. Les sourcils et les cils par exemple nous servent de protection contre les différentes poussières qui pourraient entrer en contact avec les yeux. Les poils dans différents endroits comme les narines, les oreilles servent de filtre soit auditif ou d’odeur. Les poils au niveau des aisselles et des organes génitaux, eux servent d’antibactérien (donc limite les infections et autres maladies) et de protection d’odorat et à la conservation de l’hydratation de peau.
Les poils c’est aussi un moyen, un outil pour voir que là aussi il y a une domination sociale des regards des hommes cis sur les corps féminins . Pour la plupart des personnes ayant des corps féminins, lorsqu’elles pensent à l’épilation c’est tout d’abord pour être bien perçu de ses pairs mais surtout des hommes cis hétéro. De ceux qui l’entourent, de ceux qui lui plaisent ou encore de ceux qui partagent sa vie pour être bien vu mais surtout pour paraître présentable et normal-e.
On peut prendre l’exemple de l’épilation pubienne où se trouve les organes génitaux comme une démonstration que même ce qui a de plus privé sur notre corps (vraiment caché en public pour ce coup-ci lol) est quelque chose de publique. D’où nous vient l’idée selon laquelle il faudrait épiler nos sexes ? Où est ce que l’on apprend que les poils sur le sexe c’est moche ? Que se fait un wax brésilien c’est meilleur, c’est sexy ? Merci la pornographie et le regard masculin. Si nombre de personnes pensent l’organe génital normal lorsqu’il est totalement épilé c’est tout d’abord parce que les premières images et vidéos qu’elles regardent ce sont des représentations d’organes génitaux totalement épilés via la pornographie ainsi qu’images et films érotiques. Bien que beaucoup de personnes peuvent tenter de nier, la pornographie y est pour beaucoup dans la représentation que ce font les corps « masculins » de leurs corps mais aussi les corps féminins de leurs corps. Surtout en ce qui concerne les représentations des organes génitaux, non nos sexes ne sont pas tous pas les mêmes et surtout ne ressemblent en rien aux représentations sociales qui ne sont en rien réaliste.
L’image réelle de la plupart des femmes noires non véhiculée
L’image imberbe véhiculée dans notre société
C’est aussi une question sociale puisque les poils sont aussi un marqueur de maturité des corps pour la plupart d’entre nous. Donc ça nous amène aussi à nous poser la question du pourquoi cette forte volonté d’un corps imberbe (et donc d’enfant) sur des personnes adultes, matures et généralement forcément poilu. Cela amène à voir que la société française est une société pédophile qui ne se voit pas (#JusticePourCais, où en est-on ?). Il existe une obsession, fétichisation et adoration des corps imberbes, sans poils et plus particulièrement des organes génitaux sans poils qui démontrent un parallèle avec la pédophilie dont beaucoup ignorent. L’épilation pubienne rend le corps féminin comme celle d’un enfant, c’est la banalisation de l’adoration d’un corps de jeune enfant (tous les enfants en général n’ayant pas de pilosité sur une grande partie de leurs corps). En effet, l’épilation intégrale surtout de zone pubienne pour les corps féminins mène à la ressemblance par exemple d’un sexe de jeune fille. Vous voyez le parallèle pédophile ? Il faut vraiment prêter attention sur ces invidividus obsédés du zéro poil qui fétichisent dur les corps totalement épilés.
AH oui aussi l’excès de poils (oui à partir de quand dépasse -t-on le barème de la pilosité normale?), surtout sur les corps féminins est perçu comme un dérèglement, une déviance à l’ordre normal des organes voire comme un signe de virilisme ou de masculinité. Saviez-vous par exemple que l’hyperpilosité est perçue en France comme une maladie ? Comme un dérèglement, quelque chose d’anormal ? Si vous êtes considéré-e comme atteint-e d’hyperpilosité, vous pouvez être pris-e en charge et soigné-e par des médecins compétent-e-s à l’aide d’intervention et de traitement le tout étant remboursé par la Sécurité Sociale.
En plus d’un diktat de ce qui est beau ou non c’est aussi une dépossession de nos corps, c’est là que l’on voit que c’est aussi politique. Il s’agit d’un contrôle des corps féminins , de nos corps noir-e-s. Cela montre une vision politique sur nos poils parce que, qu’on le veuille ou non, nos corps féminins noirs ont été les sujets d’une longue histoire d’oppression, de mutilation, de torture et de diktat derrière nous qui trouve son empreinte dans nos sociétés d’aujourd’hui. Nos poils sont aussi politiques que nos cheveux crépus et nos coiffures africaines et antillaises que le monde blanc refuse de voir. Mais qu’aussi bon nombre parmi nous refusons nous mêmes de voir. Se réapproprier un choix en ce qui concerne nos poils c’est déjà faire un grand pas dans la réappropriation de nos corps. C’est politique puisque ça pose aussi la question de la discrimination au genre en chevauchant sur les questions de pression sociale, virilité, féminité, masculinité et de domination masculine.
Combien dépensez-vous par jour, semaine, mois ou année afin d’être parfaitement épiler et conforme à la société ? Vous pourriez économiser en vous épilant moins en espaçant les séances voire en les arrêtant (votre peau vous dira merci lol). Non, sérieusement ne remarquez-vous pas tous ces instituts esthétiques d’épilation et ces produits et accessoires épilatoires en magasins qui coûtent gros dans nos budgets ? Pensez-y et si vous réduisiez voc coûts côté épilation pour vous faire de l’argent pour voyager par exemple? Combien d’entre vous veulent retourner au pays? Faire un retour aux sources ou découvrir un nouveau pays, s’offrir des vraies vacances ou en offrir à un-e proche? C’est possible, avec l’argent économisé de l’épilation, vous pourrez avoir plus de sous pour vos loisirs (ou les factures de fin du mois).
En bref, ceci n’est pas une injonction pour cesser l’épilation mais plutôt tenter de fournir des axes de critiques afin de démontrer qu’il existe des enjeux du fait de prendre le contrôle de nos choix esthétiques en ce qui concerne les poils. Parce que non il n’y a pas que l’arrêt du défrisage, du lissage brésilien ou autre qui comporte des enjeux pour nous les afrodescendant-e-s noir-e-s. Mais bon je ne suis pas teubée, les corps féminins noirs ont des poils plus foncés, plus voyants et plus durs que la plupart des autres corps féminins racisés ou blancs donc laisser ses poils volontairement c’est aussi accepter le risque d’affronter au quotidien les offuscations, les critiques et les regards. Il faut se préparer mentalement et psychologiquement avant de le réaliser. Peut-être d’ailleurs que nombre d’entre vous ont été tenté-e-s et ne l’ont pas fait. Peut-être que nombre d’entre vous le font mais on honte de le montrer en public. Peut-être que nombre d’entre vous préfèrent une peau sans poils ou légèrement moins poilu que la normale. En tout cas, le choix est votre. Mais sachez que les poils ce ne sont pas que des poils.
Je ne sais pas si les personnes non cis et non hétéro sont touché-e-s par ce syndrome oppressif mais petit conseil de copinage comme ça, que tout le monde peut appliquer : si ton chéri supporte pas tes poils, qu’il est la raison pour laquelle tu t’épiles, casses. #YOUKNOWYOUDESERVEBETTERSWEETIE 🙂

(non c’est pas moi mais j’ai adoré la photo, btw toutes les photos ont été trouvées sur Google Image).
Kel Lam.